L'Etiquette - le Japon Imperial

L'étiquette asiatique, et en particulier japonaise, est basée sur un concept très simple dans le fond : la vérité n'est pas bonne à dire telle quelle.

S'il faut en croire les sources auxquelles j'ai eu accès, dans une culture japonaise féodale qui n'a jamais connu de révolution populaire (réussie) et s'est développée pendant près de huit siècles sous loi martiale,  le simple fait de parler de manière incorrecte pouvait entrainer la mort et la politesse est devenue non seulement un raffinement social mais aussi un moyen de survie. Si on ajoute à cela une culture ou l'intimité corporelle a longtemps été  une curiosité (bains mixtes, chambres à coucher avec des parois en papier...), la politesse, la prudence et la bienséance font que l'on préfère en toutes circonstances faire comme de rien n'était et montrer le Tatamae (le joli masque) plutôt qu'une vérité trop crue qui pourrait attirer des problèmes en nuisant à la sérénité de votre interlocuteur.

Un vieux proverbe dit d'ailleurs qu'un japonais a toujours trois visages : celui qu'il montre à tout le monde, celui qu'il réserve à ses proches et enfin celui qu'il est le seul à connaître.

Plutôt que de dire des choses pénibles à entendre, on préférera donc procéder par allusions fines ou même par mentir afin de ne pas gêner l'autre. Ainsi, on vous dira très rarement que vous ètes mal habillé, on se contentera de ne pas faire d'allusion sur votre tenue... de même, si on vous dit "aimez vous la cuisine italienne ?" les tournures de phrases utilisées peuvent très bien indiquer qu'on vous demande en fait "puis-je vous inviter au restaurant italien ?" et si votre réponse est négative parce que vous n'aimez pas les spaghettis, choisissez bien vos mots parce que cela pourrait être interprété comme "non, je n'ai pas envie que vous m'invitiez au restaurant".

Il ne faut pas croire cependant que tous les japonais agissent toujours ainsi. Tout d'abord, les gens du Kansai (la région centrale autour d'Osaka) sont réputés pour leur manières relachées et leur "grossiéreté" (selon les normes japonaises, cela signifie qu'ils sont à peine plus polis qu'un étranger...). Ensuite, les femmes sont généralement beaucoup plus polies que les hommes. L'impératrice est un cas particulier bien sur : elle parle comme une femme mais elle ne s'incline devant personne (en tous cas, jamais plus que le strict minimum imposé par son rôle)

Durant la seconde moitié du vingtième siècle, l'influence américaine a sensiblement relâché cette situation mais avec le retour en force des Restaurateurs (= les réactionnaires), les anciennes manières sont revenues au goût du jour.

Dans les discussions d'affaires ou de travail, on commence généralement par prendre quelques minutes (voire quelques dizaines de minutes) pour vous saluer, aligner quelques banalités fleuries sur votre état de santé, s'excuser de vous déranger et de perturber votre emploi du temps surchargé et également faire quelques commentaires sur le temps qu'il fait avant d'en arriver aux choses sérieuses et on considère comme grossiers les gens qui passent outre ce cérémonial.

Bien sur, la grossiéreté est assez répandue dans les classes sociales les plus basses (donc généralement parmi les métahumains) ce qui permet comme toujours de renforcer la position des autres (ils ne savent pas parler... ils sont mal élevés... ce sont des ignorants...) et dans certaines circonstances, se passer des formulations polies ou même utiliser des termes injurieux peut être un excellent moyen pour un individu important de montrer à quel point il méprise l'existence et la sensibilité de son interlocuteur...

L'étiquette est suffisamment importante aux yeux de la majorité des japonais pour que l'on considère de travers un étranger incapable de s'incliner correctement tout comme dans nos pays on regarderait avec curiosité un asiatique parlant parfaitement notre langue mais ne serrant jamais la main à personne lorsqu'il dit bonjour...

Au Japon on respecte ses ainés, les hommes plus que les femmes et les nobles ou les chefs de services plus que les collègues et cela se voit à la manière de s'incliner, aux mots employés et à une foule d'autres détails.

Si on ajoute à cela le fait que dans la langue japonaise, le terme pour désigner les étrangers est gaijin ce qui signifie a peu près "intrus" ou encore "démon barbare" selon les traducteurs, les choses sont encore plus délicates... les américains, en tant qu'anciens vainqueurs du Japon et occupants de son sol, sont particulièrement susceptibles de s'attirer des ennuis et on est beaucoup moins indulgent avec eux qu'avec les autres "barbares aux yeux ronds" comme disent certains nationalistes qui aiment réutiliser des formules tombées en désuétude depuis longtemps.

L'influence du Bouddhisme, du Shintoisme et du Bushido fait aussi de l'étiquette japonaise un art guerrier en ce sens qu'un des principes fondamentaux énoncés autrefois par le samourai Myamoto Musashi est de faire en sorte que votre adversaire soit l'instrument de sa propre perte. Ainsi, la courtoisie japonaise est également utilisée depuis longtemps comme une arme dans les rapports politiques et commerciaux avec le monde extérieur : en ayant l'air impénétrable et en parvenant à déstabiliser l'adversaire, on remporte la victoire...

Cette notion est devenue très répandue dans la société japonaise des années 2050 et en dehors des gens les plus vulgaires ou issus des couches sociales les plus défavorisées, tout le monde pratique assidûment l'art de demeurer imperturbable aux yeux d'autrui. Les japonais qui sont capables de percer à jour la plupart de leurs compatriotes ont souvent tendance à considérer les étrangers comme des gens non seulement grossiers mais surtout transparents lorsqu'ils tentent de ne pas montrer leurs émotions.

Noms Propres
Les Japonais comme les Chinois font passer le nom de famille avant le prénom lorsqu'ils se présentent. Ainsi, le PDG de Renraku Inazo Aneki serait nommé Aneki Inazo au Japon. Pour faciliter la lecture, les noms donnés dans ce dossier sont à l'occidentale (prénom suivi du nom de famille) mais dans le contexte d'origine, ils seraient bien évidemment énoncés à l'envers.

Suffixes utilisés avec les noms
Généralement, un suffixe utilisé à la suite d'un nom donne une indication des rapports que l'on a envers la personne désignée. Ainsi, Aneki-san signifie approximativement "Monsieur Aneki" et si l'on veut être respectueux on dira bien évidemment Aneki-sama.

A l'opposé, si vous parlez à un de vos amis qui s'appele Hikaru Masoya vous pourrez l'appeler Hikaru-kun ou Masoya-kun (le nom ou le prénom se valent dans le contexte), ce suffixe kun indiquant un certain degré de familiarité avec votre interlocuteur et on ne l'emploie pas à la légère.

Si vous parlez à votre femme japonaise ou à votre soeur, vous direz probablement Hitomi-chan mais si elle est votre belle-mère imposante et digne, vous direz plutôt Hitomi-san (et encore, si elle vous permet d'utiliser son prénom...). Comme de juste, certaines personnes sont très strictes sur le plan de l'expression et d'autres nettement plus relachées... comme dans tout groupe humain. 

Meishi
Durant le 20ème siècle, une des facettes les plus importantes des relations sociales dans les milieux d'affaires était l'échange de cartes de visite (meishi) lors d'une première rencontre. Pour des gens entrainés, cela se faisait en un clin d'oeil entre deux inclinaisons (ou une poignée de mains à l'occidentale) et la plupart des hommes en costume-cravate étaient capable de jeter un coup d'oeil afin de saisir l'essentiel de ce qu'un meishi indiquait tout en le rangeant dans leur poche. Ainsi, un cadre, un fonctionnaire important ou un notable avait constamment sur lui quelques cartes de visite au format standardisé résumant l'essentiel de ses activités en plus de son nom et ses coordonnées. Chez lui ou à son bureau, il disposait également d'une collection complète de cartes de visite rassemblées lors des multiples rencontres de sa vie professionelle. De bien des manières, connaitre le contenu d'une telle collection fournissait de précieuses indications sur son propriétaire selon le vieil adage "tu es qui tu connais".  

Dans le Japon du sixième monde, les choses ont sensiblement évolué. Désormais, il suffit de porter sur soi un téléphone portable ou un secrétaire de poche pour que l'échange de meishi se fasse automatiquement dés que vous approchez une autre personne possédant un équipement analogue, à moins de désactiver cette fonction spéciale commune a tous les portables destinés au marché japonais. Si vous possédez un implant Comlink couplé avec un Affichage Rétinien, vous avez même en temps réel sur votre rétine le contenu de la "carte de visite" que vous venez de recevoir.

Comme de juste, se promener avec de véritables meishi peut vous valoir un haussement de sourcils interrogateur ou au contraire un petit sourire appréciateur si vous tombez sur quelqu'un qui apprécie le charme des choses surannées. Dans certains cercles d'affaires, il est même considéré comme très "in" d'utiliser quelque chose d'aussi retro qu'un rectangle de carton...