L'Ambiance - le Japon Imperial

Pour jouer dans un contexte japonais, ou plus précisément, dans un contexte japonais principalement urbain, il me semble important de s'attacher à créer une ambiance particulière qui repose sur plusieurs choses.

-         L'étiquette  : on se montre toujours extrêmement poli et impénétrable au japon. Il n'y a guère que les gangs de bosozoku, les étrangers et les classes les plus populaires qui échappent à ce stéréotype. Les gens de la région du kansai (Osaka, Kobe…) sont notoirement plus "relachés" sur le plan de l'étiquette que ceux du Kanto (Tokyo…). Pensez aussi au fait que comme tous les empires de l'histoire, le Japon abrite et accueille (souvent malgré les autorités) une multitude d'étrangers avec leurs enclaves culturelles, ethniques, linguistiques, religieuses que l'on peut trouver sans trop de difficultés si on les cherche bien… jouez sur le fait que les japonais fonctionnent souvent en attachant toute son importance à la forme alors que la grande majorité des cultures étrangères sont très attachées au fond… imaginez un peu un yakuza notoire qui va vous tirer des griffes d'un gang non pas parce qu'il apprécie le sous-homme étranger que vous êtes mais simplement parce qu'il considère que ces jeunes gens ne savent pas faire les choses de manière civilisée… veillez à ne pas l'offenser parce qu'en fait il n'attend que ça…les femmes n'utilisent pas le même langage que les hommes, cela aussi ne doit pas être oublié.

-         la technologie : pensez au japon actuel, avec ses tamagochi et ses consoles de jeu… imaginez la même chose dans soixante ans sachant qu'en 2058 les trois plus importantes firmes au monde en matière de matrice, d'informatique et d'électronique sont japonaises… imaginez les gamins en uniforme de cinq ans à l'école qui ont tous leur console 3D portable, les héros du simsens ou de la tridéo omniprésents, les bonsai holographiques, les cérémonies du thé dans des tasses de polymère-imitation-parfaite-de-céramiques-de-l'ère-tokugawa… distinguez toujours les substituts bas de gamme pour les masses des authentiques services à thé, sabres de samourai, kimonos en soie, restaurants traditionnels… pensez gadget, pensez à la modernité sous l'apparence de la tradition. Pensez à cette jeune femme cadre corpo aux cheveux coupés à la dernière mode dévoilant son datajack en bioplastique qui passe sa vie de jet privé en gros porteur sub-orbital avec un cyberdeck à portée de la main tout en trouvant parfois l'occasion de revêtir un kimono traditionnel afin d'aller voir ses parents le temps d'une après-midi.

-         le logement : rappelez vous que le terrain est cher au Japon. Même les gens de milieu correct ont encore souvent une pièce commune qui sert à la fois de chambre à coucher et de salon pour recevoir les amis lorsque l'on range rapidement les futons. Pensez à ces employés de bureau qui louent à prix d'or un studio minable mais qui possède un petit balcon qu'ils ont transformé en jardin de pierre, à ces cadres moyens qui à l'opposé recherchent des appartements qui sembleraient ridiculement grands en occident simplement pour mieux étaler leur richesse… regardez la vidéo "Le Cinquième Elément" et songez que tous ceux qui peuvent se le payer disposent d'un logement minuscule avec commandes vocales, meubles escamotables, système d'assistance domotique pour la cuisine ou le ménage, etc… alors que d'autres vivent encore comme les campagnards. Au japon, comme on peut le voir dans les films traitant des anciens samourai, un des plus grands symboles de richesse est encore d'accueillir ses invités dans une pièce immense, totalement dépourvue de mobilier…pièce témoignant d'un gaspillage de place volontaire alors qu'on pourrait y entasser deux ou trois familles sans difficulté.

-         la langue : malgré tous les efforts des restaurateurs impériaux, l'anglais qui a déferlé durant les décennies après la deuxième guerre mondiale est encore pratiqué. La plupart des centres commerciaux ont un nom américanisé qui fait plus "cosmopolite" et donc plus exotique, attractif… des termes étrangers comme "computer" ou "rendez-vous" sont encore couramment utilisés même s'ils ont été phonétiquement adaptés aux usages nippons. Dans le même temps, les gens des milieux les plus traditionalistes font exprès de ne pas utiliser les mots étrangers même si pratiquement personne n'est capable de comprendre certains de leurs mots japonais fabriqués par les restaurateurs impériaux ou ressortis de vieux dictionnaire bicentenaires.

-         les artistes : c'est en leur sein et parmi leurs nombreux fans que l'on trouve des gens qui cherchent à promouvoir des valeurs distinctes du néo-féodalisme corporatiste officiel. Qu'il s'agisse de jeunes groupies qui se font biosculpter pour ressembler à des suédoises, de mangakas (dessinateurs de BD) qui affichent à la volée sur les murs des stations de métro des tracs pseudo-engagés en américain prêchant la différence, de concepteurs de jeu qui parlent uniquement français avec l'accent de Kyoto ou de chanteurs qui utilisent des rythmes africains, le japon est un peu comme un mur culturel fissuré : on a beau le plâtrer et le repeindre, il y a une multitude de gens qui souhaitent voir, vivre, ressentir ce qu'il y a de l'autre coté…

-         la ville : jouez à fond sur l'opposition entre les quartiers surdéveloppés des zones Blanches ou le mètre carré atteint des prix astronomiques et les pans entiers des zones Grises et Noires des mégaplexes ou l'on trouve encore des gens qui se chauffent au mazout et qui ne disposent pas de l'eau courante. De même, imaginez vous parcourir un de ces boulevards bardés d'enseignes 3D et de publidirigeables, encombrés de voitures et de sararimen en costume strict. Tout à coup, entre deux buildings, vous voyez un mur d'enceinte bas avec une porte rouge. Vous la franchissez et vous êtes dans le jardin d'un temple shintoiste, abritant les kami en plein milieu de la ville polluée. Regardez bien au fond de l'impasse à coté de l'arcologie corporatiste et vous verrez le stand d'un marchand de nouilles ou l'on peut s'asseoir et boire du saké derrière un rideau de toile en attendant la fin de la pluie acide tout en regardant le vieux tenancier refaire les gestes ancestraux alors qu'il vous prépare un plat délicieux et pas cher, même s'il est fait de substituts au soja…

-         le mysticisme : imaginez vous dans la capitale de la plus puissante nation au monde, ou le crédo officiel dit que vous êtes sur le sol élu des dieux, ou les informations démontrent chaque jour la puissance d'un empire restauré, ou la plupart des  gens s'arrêtent dans la rue et s'inclinent lorsque l'on aperçoit pendant quelques secondes le visage de l'Impératrice sur les écrans géants lors d'une de ses rares allocutions publiques. Ne cherchez pas longtemps, vous aurez rapidement l'occasion de croiser un moine-mendiant bouddhiste et quand le vieux doc des rues coréen qui vous recoud après une run dit que les kami sont avec vous, qu'est ce qui vous prouve qu'il a tort ? Après tout, vous êtes toujours en vie, ne ? 

-         le fil du rasoir symbolique: jouez la tragique, jouez la dramatique, même si ça fait ridiculement caricatural. Utilisez à fond les ressorts des châtiments impitoyables, des pardons qui sont des insultes, de l'indulgence qui mène à l'obligation incontournable, des serments antagonistes, des choix d'honneur et du Destin omniprésent qui dépasse l'homme même si parfois il le grandit… pensez aux actes symboliques mais fatals, aux ennemis qui vous deviennent redevables, aux amis qui doivent tenir une promesse qui vous sera mortelle, à la mort honorable, à la victoire par le suicide, au choc culturel entre japonais et coréens, américains, chinois, russes et bien d'autres… pensez à la pureté esthétique du sabre et du geste qui transcende la morale, la peur, l'amour, la vie…


Sources d'inspiration.

Il est recommandé de se faire quelques petites locations de cassettes vidéo pour s'imprégner davantage du Japon moderne et post-moderne au travers par exemple des anime Akira, Ghost in the Shell, Patlabor 1 et Patlabor 2 qui montrent une Tokyo futuriste sous toutes ses facettes tels que l'imaginaient les auteurs des années 80 et 90.

Evidemment, l'ensemble de la japanimation urbaine ou cyberpunk (notamment AD Police et Bubblegum Crisis) a aussi son intérêt mais elle est moins axée sur l'ambiance que les titres donnés plus haut (encore que AD Police soit vraiment pas mal).

Au niveau littérature rolistique ou romancée, il existe plusieurs jeux de rôle axés sur un japon médiéval fictif ou pseudo-réaliste qui pourraient vous aider à creuser encore davantage certaines choses, notamment au niveau de la religion, des rituels, des traditions…le Livre des Cinq Anneaux est facile à trouver mais ça n'est pas le seul…

Pour le japon médiéval, le roman Shogun de James Clavell (collection J'ai Lu) montre assez bien le choc culturel et détaille aussi de belle manière comment on peut comploter tout en conservant une apparence honorable. La série télé est une des rares adaptations de bouquin qui tienne la route.

Les enquêtes policières japonaises du romancier James Melville, bien que sans réel intérêt sur un plan POLICIER, ont le mérite de mettre en situation tout un groupe de personnages japonais dans leur propre pays et de montrer un tas de choses sur leur quotidien, leurs préjugés, leurs habitudes (enfin... celles de japonais aisés des années 70)… on peut les trouver dans la collection "grands détectives" chez 10/18.

Pour la bonne bouche, quelques lectures un peu plus "ésotériques" en format poche peuvent aussi vous intéresser. Pour mémoire, trois livres que j'ai personnellement beaucoup apprécié :

Le traité des cinq roues de Myamoto Musashi (Albin Michel, coll. Spiritualités vivantes) qui est souvent considéré comme la synthèse des principes spirituels du samourai

La voie du samourai de Thomas Cleary (Points collection Sagesses) qui donne de nombreux aperçus du bouddhisme et fait une excellente analyse des différences culturelles entre le Japon et l'occident, notamment des différences qui n'en sont pas vraiment mais qui sont entretenues à des fins stratégiques par les japonais…

L'art de la guerre de Sun-Tzu (Pluriel) qui ne concerne bien évidemment pas à proprement parler le JAPON mais vous donnera un tas d'idées pour mieux cerner la mystique chinoise sans laquelle le japon ne serait après tout pas vraiment ce qu'il est….  

Il n'existe malheureusement qu'un seul autre site dédié au japon à Shadowrun, le JIS Project, écrit en japonais et en anglais

Enfin, pour terminer, un excellent site de ressources sur le japon en français, www.japonline.com

Si vous avez d'autres sources que vous avez particulièrement appréciées, je me ferai une joie de les placer en toute humilité sur cette page en vous citant comme référence.